À mi-chemin entre science-fiction poétique et comédie romantique absurde, Poissonsexe débarque pour la première fois en clair ce soir à 21h sur France 4. Porté par Gustave Kervern, India Hair et un poisson à pattes venu d’un autre monde (ou presque), ce long-métrage signé Olivier Babinet offre une fable tendre et insolente sur l’amour, la parentalité et le vivant en péril. Une histoire douce-amère, à la fois écologique, burlesque et terriblement humaine, dans laquelle la dernière baleine du monde, Miranda, devient aussi symbolique que la quête désespérée d’un homme seul qui veut devenir père à tout prix.

Une crise écologique, des poissons dépressifs et un physicien en manque d’amour

Dans la petite ville imaginaire de Bellerose, l’humanité semble doucement glisser vers l’extinction : les poissons refusent obstinément de se reproduire, les océans se meurent, et la presse ne parle que de Miranda, la dernière baleine connue, comme on annoncerait la fin d’un monde. C’est dans ce décor post-écolo doux-amer que vit Daniel, interprété par Gustave Kervern, un physicien spécialisé en biologie marine, devenu malgré lui un héros de la résilience reproductive. Son obsession du moment ? Trouver pourquoi les poissons ont cessé de copuler. Mais cette urgence scientifique cache une détresse plus intime : Daniel veut lui aussi transmettre, fonder une famille, devenir père. Problème, à Bellerose, les femmes en âge de procréer sont une denrée aussi rare que les poissons fertiles. L’équation est aussi absurde qu’improbable, mais Daniel, fidèle à sa rigueur de scientifique, décide d’appliquer méthode et statistiques à sa quête amoureuse. Une probabilité sur 6232,33 : c’est tout ce qu’il lui reste pour espérer.

Une comédie romantique hors cadre, entre burlesque et émotion

Le charme de Poissonsexe tient beaucoup à son ton atypique : Olivier Babinet y tisse un récit où la science, l’absurde et l’émotion se côtoient sans jamais se parasiter. Le film joue sans complexe avec les codes de la comédie romantique en les infusant d’une conscience écologique aiguë et d’un goût pour le surréalisme visuel. Le poisson à pattes que sauve Daniel devient vite un personnage à part entière, sorte de miroir muet de ses angoisses et de ses espoirs. À ses côtés, India Hair incarne une femme libre, solaire et complexe, bien loin des archétypes. Le duo fonctionne avec une douceur désarmante, portée par une mise en scène discrète mais inventive, entre séquences contemplatives et petits décalages comiques. Si l’on rit souvent, c’est d’un rire fragile, un peu mélancolique, comme si le film nous rappelait à chaque instant que le monde que l’on aime pourrait bientôt disparaître — et avec lui, nos rêves les plus simples.

Des personnages attachants, un humour tendre et un regard lucide sur le monde

Gustave Kervern campe un Daniel touchant, toujours un peu à côté de la plaque mais profondément sincère. Ce scientifique désabusé et mal rasé, qui scrute les statistiques amoureuses comme d’autres épluchent les résultats d’analyses, devient un anti-héros magnifique, en quête non pas de performance, mais de sens. Autour de lui, la galerie de seconds rôles est tout aussi savoureuse : Ellen Dorrit Petersen, Sofian Khammes, Jean-Benoît Ugeux et même Alexis Manenti viennent prêter leurs traits à des personnages qui semblent tous un peu perdus, mais terriblement humains. Le film ne cherche jamais à juger ses protagonistes ; il les observe, avec une tendresse rare et une conscience écologique en filigrane, sans jamais tomber dans le prêchi-prêcha. Mention spéciale au poisson mutant, créature improbable mais attendrissante, véritable catalyseur d’émotions et de métaphores. Et si le monde s’effondre, semble nous dire le film, il nous restera peut-être la capacité d’aimer.