Ce jeudi à 23h, la chaîne Ici Occitanie diffuse Le village, un documentaire inédit qui s’annonce comme une immersion rare et bouleversante dans le quotidien d’un territoire en voie de disparition. Fournès, petit bourg du Gard, devient le décor d’un récit à hauteur d’homme, porté par une caméra discrète et une parole précieuse : celle des habitants qui, malgré le temps qui passe, n’ont jamais déserté. À rebours des clichés habituels sur la ruralité, le film ne cherche ni à idéaliser, ni à dramatiser. Il observe, il écoute, et surtout, il donne la parole à celles et ceux que l’on n’entend plus. Le spectateur est invité à un voyage intérieur au cœur d’une mémoire vivante, dans un monde où le silence en dit long sur les luttes, les joies, les renoncements et les espoirs. À travers les voix de trois habitants emblématiques, c’est toute une philosophie de la vie qui émerge, faite de pierre, de terre, de vin et de transmission.
Henri, Marcel et Patrick : trois figures pour incarner la force tranquille de Fournès
Dans Le village, chaque habitant rencontré devient un fragment de l’âme de Fournès. Henri, maçon autodidacte venu de la région parisienne, n’est pas seulement un bâtisseur de murs ; il est aussi un constructeur de sens, un homme en éveil, mû par l’injustice et curieux de l’autre. En construisant sa maison, il s’est enraciné dans ce sol gardois comme un arbre qu’on ne déracine plus. Son engagement récent en faveur de la nature résonne comme une réponse intime à l’effacement d’un monde ancien. Marcel, lui, est presque une figure mythologique locale. Viticulteur à la retraite, il parle des vendanges comme d’un rite sacré, des fêtes comme des instants de communion perdue. Sa mémoire familiale, qui s’étend sur quatre générations, traverse les époques avec une acuité bouleversante. Quant à Patrick, arrivé il y a près de quarante ans, il incarne la lente et patiente construction d’un sentiment d’appartenance. Ni d’ici, ni d’ailleurs, il est devenu peu à peu un acteur à part entière de la vie du village, une présence stable dans un décor mouvant. Chacun de ces hommes, à sa manière, raconte l’histoire d’une ruralité qui refuse de mourir en silence.
Une ruralité en creux, entre résistance intime et disparition annoncée
Le film ne cherche pas à faire un constat sociologique ou une démonstration politique. Il choisit la voie de l’émotion retenue, du regard tendre et du temps long. À Fournès, les rues ne sont plus animées comme autrefois, les vendanges rassemblent moins de bras, et les places publiques voient passer plus de souvenirs que d’enfants. Pourtant, il reste quelque chose. Une force. Une obstination à vivre là où la modernité ne fait que passer. Ce sont des détails, des gestes, des silences entre deux phrases. Le documentaire tisse, par petites touches, une cartographie humaine d’un monde en transition. La transmission n’est pas formulée comme un héritage figé, mais comme une respiration partagée, de génération en génération. En filigrane, la réalisatrice pose une question essentielle : que devient une communauté quand les raisons de rester s’amenuisent, mais que l’attachement demeure intact ? Le village n’apporte pas de réponses toutes faites, mais il nous laisse, au terme de sa traversée, avec un sentiment profond : celui d’avoir approché une vérité invisible.