Ce soir à 21h sur France 5, la chaîne publique propose un documentaire inédit aussi palpitant qu’éclairant : Tempête : 100 jours dans les tourments du ministère de l’Intérieur. Une plongée dans les arcanes du pouvoir, là où se prennent les décisions les plus sensibles dans les moments les plus critiques. Du printemps à la fin de l’été 2024, la caméra suit le cabinet du ministre Gérald Darmanin, alors confronté à une succession de crises majeures. Jeux Olympiques, évasion spectaculaire, troubles en Nouvelle-Calédonie, dissolution surprise et échec politique : ces cent jours ont redéfini l’équilibre du ministère le plus exposé de la République. Un récit sous tension, dans les coulisses d’un État confronté à ses propres limites.
Un ministère prêt pour les Jeux… jusqu’à ce que tout dérape
Tout commence en apparence comme un sprint bien balisé vers les Jeux Olympiques de Paris. Dès avril 2024, Gérald Darmanin et ses équipes du ministère de l’Intérieur déroulent leur feuille de route : sécurisation des sites, coordination inter-services, gestion des risques d’attentats. Le documentaire nous fait entrer dans le quotidien ultra-codifié d’un cabinet ministériel préparé à faire face à toutes les urgences habituelles d’un pays de 67 millions d’habitants. Mais cette mécanique bien huilée va rapidement se heurter à des secousses imprévues. En mai, c’est d’abord l’évasion spectaculaire de Mohamed Amra, fiché comme dangereux et désormais en cavale, qui affole les services. Quelques jours plus tard, la Nouvelle-Calédonie s’embrase dans un contexte d’agitation indépendantiste. En coulisses, les visages se crispent, les plannings volent en éclats. Et comme un coup de tonnerre, le soir des élections européennes, Emmanuel Macron annonce la dissolution de l’Assemblée nationale. Le ministère bascule alors dans une nouvelle dimension, entre urgence sécuritaire et tourmente politique.
Le basculement d’un homme : entre campagne et maintien de l’ordre
À partir de juin 2024, le ministre se retrouve dans une position intenable : maintenir le cap sur les JO, gérer la sécurité intérieure d’un pays instable, tout en se lançant dans une campagne législative inopinée. Le documentaire montre comment cette période de flottement politique déstabilise les rouages du pouvoir. L’épisode « Alea jacta est » illustre la fébrilité grandissante au sein du cabinet. La double casquette de candidat et ministre expose Gérald Darmanin à une pression constante, entre stratégies électorales, pression médiatique et impératifs de l’ordre public. La narration s’attarde sur les coulisses de la campagne, les désillusions, et le sentiment d’isolement progressif qui gagne un ministre qui, quelques semaines plus tôt, apparaissait comme un potentiel successeur à Matignon. La mise en scène joue sur les contrastes : les grands rendez-vous républicains face à l’imprévisible, les plans de com’ face aux incendies du réel.
Jeux Olympiques : la vitrine fissurée de la République
Alors que le pays retient son souffle à l’approche des Jeux Olympiques, les tensions atteignent un nouveau sommet. Dans l’épisode « Mektoub », diffusé en troisième partie, le documentaire revient sur un événement hautement symbolique : le sabotage de plusieurs lignes TGV le jour même de la cérémonie d’ouverture. Ce fait divers, dont les auteurs restent flous, devient le miroir grossissant d’un ministère à bout de souffle, et d’un État mis à l’épreuve sur tous les fronts. Les relations entre les journalistes accrédités, les services de communication et le cabinet sont décrites comme conflictuelles, chaotiques. En toile de fond, le sort personnel de Gérald Darmanin se précise : l’hypothèse de son maintien au gouvernement s’éloigne à mesure que monte en puissance le nom de Michel Barnier. Le spectre d’un remaniement majeur devient une réalité, et le ministre qui ambitionnait Matignon se retrouve sans portefeuille, dans une sortie sans éclat.
Une chronique d’un effondrement annoncé ?
À travers ces trois épisodes, Tempête dresse plus qu’un bilan politique : c’est le portrait d’un pouvoir sous pression, d’une institution qui tente de garder la main sur des événements qui la dépassent. Le documentaire s’appuie sur une narration rythmée, nourrie de témoignages internes, de scènes de tension, de silences évocateurs. On y voit la solitude d’un ministre confronté à sa chute, l’épuisement de collaborateurs qui jonglent entre engagement et fatigue nerveuse. France 5 semble vouloir montrer, sans artifice, que les coulisses du ministère de l’Intérieur sont loin du fantasme de toute-puissance. C’est une mécanique fragile, vulnérable à la moindre secousse. Si les auteurs n’ont pas accès aux arbitrages les plus confidentiels, ils parviennent néanmoins à faire sentir l’urgence, la fébrilité, et parfois l’absurde d’un pouvoir confronté à la réalité du pays. Un documentaire qui ne tranche pas, mais expose. Et dans la période actuelle, c’est déjà beaucoup.