Ce dimanche à 21h sur LCP, Rembob’INA exhume une œuvre télévisuelle aussi précieuse que méconnue : Vivre à Bonneuil, documentaire réalisé en 1975 par Guy Seligmann. Cet épisode nous plonge dans les débuts de l’école expérimentale de Bonneuil-sur-Marne, fondée en 1969 par Maud Mannoni, figure emblématique de la psychanalyse de l’enfance. À travers ce film exceptionnel, le téléspectateur redécouvrira une autre façon d’appréhender les troubles psychiques et sociaux des enfants et adolescents dits « inadaptés », à une époque où les institutions psychiatriques restaient souvent des lieux d’enfermement plus que de soin. Patrick Cohen, accompagné d’Agnès Chauveau de l’INA, recevra en plateau le réalisateur Guy Seligmann et le psychanalyste Alain Vanier pour revenir sur cette aventure humaine et politique hors normes.
Une caméra au cœur d’un lieu radicalement différent
Tourné en immersion au sein de l’École expérimentale de Bonneuil, Vivre à Bonneuil capte avec une rare délicatesse le quotidien d’un établissement qui refuse les normes éducatives et psychiatriques classiques. Guy Seligmann y passe plusieurs mois, sans commentaire intrusif, laissant parler les images, les voix des enfants, celles des éducateurs et des bénévoles. Ce centre, fondé sur la conviction que l’écoute, la parole et la liberté sont essentielles à toute tentative de soin, accueille des jeunes en grande souffrance psychique : autistes, psychotiques ou en rupture sociale. Le spectateur découvre un lieu où l’on construit avec les enfants et non contre eux, en évitant à tout prix l’enfermement physique comme symbolique. Le film témoigne ainsi d’un moment suspendu, à la fois fragile et audacieux, où l’utopie sociale s’incarne dans une pédagogie du quotidien.
Maud Mannoni, une figure majeure, une école-pensée
Derrière l’École de Bonneuil, il y a Maud Mannoni, psychanalyste d’origine belge, compagne de route de Jacques Lacan et fervente défenseure d’une approche alternative de la psychiatrie infantile. Pour elle, les troubles ne sont pas des « déviances » à corriger, mais des cris à entendre. En fondant Bonneuil, elle crée un espace de vie où le soin ne passe ni par la camisole chimique, ni par le contrôle disciplinaire, mais par la possibilité pour chaque enfant de s’inventer un récit, un rythme, un lien au monde. Dans Rembob’INA, Alain Vanier revient sur cette influence intellectuelle et humaine, qui a profondément marqué le paysage psychiatrique français. L’émission revient également sur l’impact inattendu du documentaire : quelques semaines après sa première diffusion en 1975, l’État décide de subventionner Bonneuil, qui devient un hôpital de jour reconnu par la Sécurité sociale. Un retournement exemplaire, où l’art télévisuel a influé directement sur les politiques publiques.
La télévision publique comme révélateur social
En rediffusant Vivre à Bonneuil, Rembob’INA rappelle l’importance du service public dans la mise en lumière des marges, des idées nouvelles, des pratiques expérimentales. À une époque où la télévision pouvait encore jouer un rôle de laboratoire social, ce film diffusé en 1975 a bouleversé les certitudes et ouvert des brèches. Patrick Cohen interroge ses invités sur la portée de ce document aujourd’hui : dans un contexte contemporain où les structures d’accueil sont saturées, où les troubles psychiques explosent chez les plus jeunes, que reste-t-il de l’esprit de Bonneuil ? L’émission se penche sur les héritages et les dérives, sur la possibilité de réinventer une psychiatrie non normative. Le regard rétrospectif de Rembob’INA se révèle ainsi d’une actualité saisissante : il invite à ne pas oublier que d’autres chemins ont existé — et pourraient exister à nouveau.
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Magazine (2025).
Présentation : Patrick Cohen.
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