Jeudi à 22h45, France 3 Pays de la Loire diffuse En eaux libres, un documentaire bouleversant ancré dans le quotidien de deux adolescents du Havre, Soren et Karving. À seulement 14 ans, ces deux amis vivent une adolescence cabossée, faite de conflits avec l’autorité, d’absences en classe, de décrochage scolaire, mais aussi – et surtout – d’une passion commune pour la mer. À travers la pêche, ils ont trouvé un exutoire, une respiration dans un monde qui leur semble souvent trop étroit. Ce film, réalisé dans le cadre de la collection Ici Pays de la Loire, donne à voir avec pudeur et réalisme la jeunesse à la marge, dans une ville marquée par son héritage ouvrier et son horizon portuaire.
Un refuge entre deux mondes : la pêche comme planche de salut
Dans la grisaille industrielle du Havre, coincés entre les grues du port et les tours HLM, Soren et Karving ont trouvé une échappatoire inattendue : la pêche. Ce n’est pas qu’un passe-temps, mais une véritable passion, un monde parallèle dans lequel ils peuvent se sentir utiles, compétents, vivants. Alors que leur quotidien est jonché de rendez-vous manqués avec le système scolaire et de rapports tendus avec les adultes, ces moments passés au bord de l’eau deviennent leur bulle d’oxygène. Le documentaire capte cette intensité, cet engagement presque viscéral : Soren rêve de devenir marin-pêcheur, tandis que Karving se projette en pêcheur-reporter, prêt à documenter son amour de la mer et de la nature. À travers ces ambitions, ce sont deux trajectoires de vie qui se dessinent en contre-courant, portées par une volonté farouche de s’en sortir.
Grandir dans l’urgence, entre rêves d’ailleurs et pression scolaire
Mais la mer ne suffit pas toujours à tenir la réalité à distance. Dans En eaux libres, la tension est palpable : celle du brevet qui approche, celle d’un avenir qui s’écrit dans l’incertitude. Sans diplôme, les portes se referment vite, et les rêves risquent de sombrer. Le documentaire n’édulcore rien : ni les absences en classe, ni les entretiens avec les éducateurs, ni l’incompréhension parfois mutuelle entre adultes et adolescents. Pourtant, dans chaque regard, chaque mot échangé sur une barque ou au bord d’un quai, transparaît une forme de maturité singulière, forgée dans l’adversité. Soren et Karving ne sont pas des « cas sociaux » : ce sont des gamins lumineux, à la fois durs et tendres, perdus et déterminés. Et ce sont aussi, quelque part, les visages de toute une jeunesse qui peine à trouver sa place.
Un récit ancré et sensible, qui redonne voix aux invisibles
Ce documentaire se distingue par sa proximité avec ses deux jeunes protagonistes, filmés sans filtre ni jugement. Il ne cherche pas à « expliquer » la déviance scolaire, ni à pointer du doigt les failles du système éducatif. Il montre simplement des vies en suspens, des liens d’amitié forts, des espoirs fragiles. Grâce à une caméra immersive et bienveillante, En eaux libres tisse un lien direct avec le spectateur, l’invitant à ressentir plutôt qu’à analyser. Le film rend hommage à cette jeunesse souvent mise à l’écart, rarement représentée avec justesse à la télévision. Ici, pas de clichés, pas de misérabilisme. Juste deux ados, un rêve, et l’immensité de l’océan pour tout horizon.